Psychologue de formation, Nadine Chantry est venue plusieurs fois à Maurice depuis 2006 afin de soutenir les différents centres du réseau ANFEN dans la mise en place du dispositif psychosocial. Ce, après avoir entendu parler d’ANFEN à travers Bernard d’Argent, ancien responsable du réseau, rencontré précédemment à Madagascar. Installée à Maurice, Nadine Chantry y travaille désormais avec le réseau pour consolider le dispositif qui avait déjà été mis en place de manière élaborée, afin de capitaliser sur les acquis et renforcer davantage la dimension psychosociale. Rencontre.
Votre expérience de l’approche psychosociale auprès de enfants en situation de vulnérabilité s’étend au-delà du travail auprès d’adolescents en difficulté académique. Pourriez-vous en dire plus ?
J’ai travaillé en effet dans les domaines de la santé mentale, du soutien psychosocial et de la protection de l’enfant. Il s’agissait de différentes formes de vulnérabilité : des enfants en situation d’exclusion et de précarité (enfants en situation de rue, mères adolescentes, …), des enfants victimes de différentes formes de violences, dont les violences sexuelles. J’ai également travaillé dans le champ du handicap. La santé mentale, le soutien psychosocial et la protection de l’enfance sont des domaines qui sont fortement interreliés.
Comment aborde-t-on la souffrance psychosociale d’enfants et adolescents ?
Parler de la souffrance psychosociale, c’est questionner la détresse psychologique d’origine sociale des enfants et adolescents. Dans leur parcours de vie, ces enfants se sont retrouvés dans des environnements qui n’étaient plus soutenants et qui produisaient de la souffrance. Toute l’idée du psychosocial est de questionner les environnements qui sont autour de l’enfant, qui ont fait que sa vie bascule vers un mal-être. Et de voir comment dans le parcours de réhabilitation psychosociale de l’enfant, ces environnements peuvent redevenir protecteurs.
Il s’agissait ainsi de travailler précisément sur ces environnements ?
Oui, et en travaillant sur les environnements (la famille, la communauté), on se pose la question de quel dispositif sera le meilleur par rapport à la problématique psychosociale. Et aussi comment les différents acteurs qui interviennent dans le dispositif peuvent avoir assez de bagage pour accompagner ces enfants et adolescents en difficulté. Mon travail consiste à penser les dispositifs et à soutenir les capacités des acteurs des différents niveaux d’intervention en santé mentale et soutien psychosocial.
Comment installer cet environnement protecteur autour de l’enfant ou adolescent en situation de vulnérabilité en travaillant sur l’approche systémique et la théorie de l’attachement ?
Ce qu’il faut comprendre, c’est que pour grandir sereinement, tout enfant a vraiment besoin de continuité, prévisibilité, sécurité. Il a besoin de vivre dans un milieu stable et rassurant. Quand l’enfant se trouve dans des situations plus complexes et qu’il grandit dans des environnements qui n’apportent pas forcément cette stabilité, il va développer différentes stratégies de survie. Il va s’adapter à l’environnement autour de lui, car il a plein de ressources, mais cela peut avoir un coût psychique.
Avec l’approche systémique et la théorie de l’attachement, on questionne le contexte relationnel de l’enfant. On essaie de travailler pour permettre à l’enfant qui a appris à vivre selon des modelés relationnels marqués par son histoire, à se créer de nouvelles façons de voir le monde, de s’engager socialement. Et on travaille avec les familles et leurs histoires d’attachement pour ouvrir à de nouvelles interactions plus apaisantes. C’est à partir de là que se construit de manière participative le plan d’accompagnement psychosocial, avec les différentes interventions conçues par les équipes, qui s’accordent à consolider le bien-être de l’enfant.
Tous ces aspects seront abordés dans les formations prévues avec ANFEN Training Institute…
Oui, l’on abordera le mouvement systémique et certains concepts de la théorie de l’attachement. Tout un travail de réflexion sera entamé pour que chaque participant puisse trouver des réponses par rapport à sa propre pratique professionnelle. Les sessions se baseront beaucoup sur l’échange et l’interaction à partir des vécus professionnels de chacun. A travers la formation, les participants seront encouragés à trouver des ressources dans ce qu’ils connaissent déjà et des compléments par rapport à ce qu’ils souhaiteraient expérimenter dans la prise en charge psychosociale des enfants et adolescents. De façon très concrète, nous réfléchirons à des outils qui pourront être appliquées rapidement dans le quotidien professionnel des participants.